Depuis l’arrivée des ténèbres et la folie du roi Victor, Opéra n’était plus la même.
Au trois quart détruite, le Muspellheim continuait de déverser son flot de magie maléfique sur ces terres délaissées par les dieux, semant la zizanie et le désespoir chez les survivants de la grande catastrophe.
Seul Heimdall le demi-dieu avait eu le courage se s’opposer à la volonté de ses pairs en guérissant Victor.
Mais malgré sa grande force et son esprit pur il ne pouvait agir seul. Le roi l’avait aujourd’hui compris.
Jeune orphelin perdu errant sous la pluie, j’arrive des terres sombres. Impossible de me repérer dans cette pénombre permanente, pourtant la nuit dernière j’avais bien cru apercevoir, dans le lointain, les lueurs blafardes d’une ville.
M’avançant toujours plus loin vers l’inconnu, je pensais y trouver quelque réconfort.
Depuis plusieurs jours quelqu’un me suivait, m’observait…une silhouette, une ombre…
La fatigue accumulée par des jours de voyage solitaire a raison de moi. Un surplomb rocheux m’offre un abri, je m’endors…
Les flammes me lèchent le visage, j’entends au loin ma mère qui m’appelle puis plus rien.
Plus tard, des cris, des hurlements, des visages défilent devant mes yeux. Les bouches tordues de douleur, les corps exsangues, les rivières de sang…
Mon père m’enseigne le maniement des armes, c’est un chef de clan respecté mais qui, de par sa réussite, attise la jalousie des clans voisins. Mon père, étendu là, près de moi, le nez dans la boue et l’épée à la main…
Des loups, des ours, des créatures inconnues jusqu’alors, que me veulent-ils ?
Des grognements, un souffle chaud, des grognements…un cauchemar, j’ouvre un œil…
Un ours, planté là devant moi, ses yeux à quelques centimètres de mon nez.
Que faire ? Le mort ? Je ne bouge pas, trop faible pour livrer combat, trop peu équipé, trop tard…
L’énorme créature ouvre la gueule… un claquement sec retentit, suivi d’un cri bref et autoritaire.
LAISSE !!!L’ours fait volte face comme à regrets de ne pas avoir pu profiter d’un petit déjeuner, laissant place à un géant de forte corpulence. Sa longue cape noire ne fait qu’allonger sa taille, c’est du moins mon impression. Impossible d’entrevoir son visage cerné d’une écharpe, seul son regard me scrute, me transperce, m’évalue.
J’arrive à balbutier.
Que me voulez-vous ?Prêt à chercher une voie de sortie, je surveille l’ours du coin de l’œil, aucune chance.
Balgrog, me dit-il.
Je sursaute, comment peut-il savoir cela ? Balgrog était le nom que mon père voulait me donner, ma mère l’ayant refusé sous prétexte que ce nom faisait trop orc. D’où tenait-il ces informations ?
Tu vois petit, j’ai bien connu ton père, nous étions très complices dans sa jeunesse puis la vie nous a séparé et la mort ensuite. Ton père et moi avions fondé un petit clan avant la grande catastrophe, les Fire Flamme, il en était le chef. Nous parcourions les grands espaces verdoyants à la recherche de lapins, de sangliers, de loups. Puis un jour, nous surprimes des brigands affairés à détrousser un couple de paysans. Nous eûmes tôt fait de les mettre en fuite, notre bonne action fut récompensée et notre réputation faite pour plusieurs années…
Mais si je te suis depuis plusieurs jours, c’est pour juger de tes capacités à porter le nom que ton regretté père t’avais destiné. A croire ce que j’ai vu jusque là, tu ne manque pas de volonté et de sang-froid, ta résistance est étonnante pour ton âge. Je t’ai aussi vu partager ta maigre pitance avec ces gueux il y a quelques jours, je crois que ton cœur est pur.
Prends cette arme, c’et la première épée de ton valeureux père, il m’en a fait cadeau lorsque nous nous sommes séparés, tu en es le digne héritier, portes-la avec fierté et fait lui honneur.Je sens l’inquiétude laisser place à la joie, le bonheur lentement m’envahit.
Je me lève et prends l’épée d’une main tremblante, remerciant l’inconnu. Une fine lame acérée, un fil parfait, équilibrée et légère, je n’ai jamais rien vu d’aussi parfait, l’épée de mon père…
Maintenant suis-moi !L’homme me fait signe, j’emboîte son pas, pressé de lui poser maintes questions mais tellement impressionné que je n’en aurai jamais plus l’occasion.
La pluie a cessé, nous avançons maintenant vers des hauts bâtiments qui semblent être la ville aperçue l’avant-veille. Passés les murs d’enceinte de la cité nommée Ascalon, nous entrons dans une auberge.
Il faut que tu saches petit, le roi a demandé à tous ses fidèles de défendre le royaume contre le Muspellheim, avec l’aide d’Heimdall nous pourrons y parvenir mais pour cela nous devons être forts, unis, solidaires et justes.
Tu dois fonder une guilde, recréer les Fire Flamme en mémoire de ton défunt père.
Assieds-toi et observes les gens, tu trouveras ici les futurs membres, tes futurs compagnons, ne te trompe pas dans tes jugements, prends le temps de réfléchir, la précipitation est source d’erreur.
Tu vois le jeune rôdeur assis près du bar, il s’appelle Pheres, je le connais, tu peux compter sur lui.
Un dernier conseil si tu veux sauver ce qu’il reste d’humanité sur ces terres, les dieux ne reviendront vers nous que si nous suivons la voie de la justice et du roi Victor. Soyez humbles mais courageux, ne vous laissez pas aveugler pas la haine et la vengeance.
Le chaos est vice, cupidité, jalousie et facilité, son avenir tient dans un seul mot :
FIN.
Sur ces paroles, le géant se lève, il jette quelques pièces à l’aubergiste et s’esquive sans un regard en arrière.
Je m’approche du comptoir
Bonjour Pheres, je m’appelle Balgrog, veux-tu boire une choppe avec moi ?